Philippe Brillet est professeur de civilisation des Iles britanniques et de la Caraïbe anglophone à l’université de Tours, membre de la section d’anglais du Conseil National des Universités ainsi que du Bureau du Conseil Franco-Britannique. Docteur en géographie et agrégé d’anglais, il travaille sur la géographie culturelle des îles britanniques et de la Caraïbe anglophone, ainsi que sur la question religieuse dans l’archipel britannique et notamment l’évolution de l’anglicanisme, le rôle œcuménique du méthodisme et le conflit nord-irlandais. Par ailleurs docteur en médecine, ancien interne des hôpitaux de Tours, spécialiste en santé publique ainsi qu’en pathologie infectieuse et tropicale, il travaille également sur les systèmes de santé et de protection sociale du Royaume-Uni et de la République d’Irlande. Présentation de la conférence. En septembre 1845, dans le tiers oriental de l’Irlande une odeur pestilentielle commença soudain à se dégager de nombreux champs de pommes de terre. La stupeur des habitants fut d’autant plus grande qu’un tel phénomène ne s’était jamais produit, et que l’on était à la veille de la précieuse récolte annuelle. Cette dernière fut, de fait, catastrophique et la pourriture rapide de ces tubercules qui apparaissaient encore, quelques jours plus tôt, comme parfaitement sains et presque venus à maturation fut vite interprétée comme un châtiment divin pour le Péché de l’Irlande. Pour les autorités britanniques, ce dernier résidait à l’évidence dans le refus obstiné des Irlandais de se convertir tout à la fois au Protestantisme, au Progrès et à la modernité, sources combinées de cette réussite économique et impériale de l’Angleterre qui était alors sur le point d’atteindre son apogée. Pour les Irlandais eux-mêmes il ne pouvait s’agir que d’une insuffisance morale collective de leur part, même s’ils peinaient à en saisir la nature. Pour comprendre l’ampleur de ce choc nous devrons commencer par envisager ce qu’il est convenu d’appeler le ‘système de la pomme de terre’ puis aborder les crises provoquées par son effondrement. En conclusion nous tenterons un rapide bilan, démographique d’abord, politique ensuite, avec à court terme la lente reconstruction du pays sous la houlette renforcée de l’Eglise et, à plus long terme, la montée d’un sentiment nationaliste qui allait mener, au début du siècle suivant, à la guerre d’indépendance.